“Récit de l’ailleurs” – Colin Niel, Obia

Je t’ai déjà fait part dans des chroniques précédentes de ma réceptivité à l’égard du prix littéraire accordé depuis quelques années à un « récit de l’ailleurs » par les lycéens de Saint-Pierre et Miquelon. Une belle démarche, encourageante en soi de par le renouvellement même des générations. Mes pérégrinations vers d’autres horizons ne m’auront pas permis de prendre connaissance plus tôt du prix 2016. Et voilà que par un jour de tempête de neige d’avril, je me suis plongé, en quête d’exotisme peut-être, dans Obia, le roman primé localement de Colin Niel.

Une belle surprise que ce polar bien ficelé au fil de ses 491 pages. Bon point, on désire aller jusqu’au bout du récit malgré l’épaisseur du volume, d’autant plus que l’action se déroule… en Guyane qui fait parler d’elle à l’orée de cet avril 2017 par son cri massivement lancé tant est fort le ressenti de l’oubli au lendemain de chaque tombereau de promesses.

Car le roman n’est pas qu’enchaînements de faits campés, des années 80 à aujourd’hui, entre Suriname et Guyane, pour l’essentiel sur les rives du Maroni.

Polar, thriller ; on est dans cette veine ; les péripéties s’enchaînent. Mais on découvre des personnalités qui ouvrent au néophyte la complexité du terrain. Certes cela ne suffit pas pour appréhender les défis d’aujourd’hui. Comment dépasser les blocages liés à une économie qui ne dépend que du secteur public ? (Tiens, il me semble m’être trouvé en 1983 au cœur d’une telle interrogation sur des îles pourtant bien éloignées de la Guyane) Voilà donc un récit de l’ailleurs qui suscite d’étranges réminiscences. Mais les données sont autres : « L’immigration, le chômage, l’économie, la population qui explose… » (p.141) Chaque implantation française en outre-mer a ses problématiques. Il est des fibres qui, par-delà les différences peuvent résonner, de leurs échos vers des caps éloignés, 

Guerre civile du Surinam, trafic de cocaïne, quête éperdue pour sortir la tête de l’eau quoi qu’il puisse advenir, cartel de trafiquants, rituels qui établissent le lien avec le mystère (celui de l’obia, précisément, ou quand on se fait « piailler »), poursuivis, poursuivants, le tout prenant corps dans un récit rythmé sous des angles diversifiés, très documenté, personnages entraînés dans l’horizontalité de leurs découvertes, suivis par un narrateur, scénariste, l’auteur ayant séjourné en Guyane pendant plusieurs années se sera reposé sur de nombreuses sources d’information.

Et la lecture « polarisée » de suivre son fil… Intrigue qui se dévide…

Ultime page, ma lecture s’achève. Le mouvement de protestation se poursuit en Guyane. Et de constater le décalage impressionnant entre le terrain ultra-marin et la perception hexagono-centralisée… 

Henri Lafitte, Chroniques insulaires

5 avril 2017

Colin Niel, Obia, Editions du Rouergue 2015 – ISBN : 978-2-8126-0945-9

Disponible à la librairie Lecturama