Du temps

Tant pis, je me suis dit : qu’est-ce que le temps ? Pis-aller quand on manque d’espace, m’a soufflé une voix tellement intérieure que je la sentais confinée. Car le temps que l’on suspend est aussi déconcertant qu’un espace infini dans lequel on peut se perdre vu qu’on ne sait pas où l’on est. Or comment se situer dans un temps suspendu ?

Faut pas se gourer, le temps accroché à la patère n’est qu’un temps qui passe sauf que c’est un temps qui s’étend. Surtout que par les temps qui courent, tout est à l’arrêt. Sauf chez les personnels de santé qui n’ont pas l’temps.

De quoi couper l’envie d’écouter La valse à mille temps, vu qu’il n’y en a qu’un et qu’il dure, le bougre et qu’il n’en finit plus.

Bizarre ce ressenti de gong figé quand on se dit qu’il y a quelque chose qui cloche en ce bas monde.

L’Europe est passée à l’heure d’été. Une heure de sommeil en moins. Mais qu’est-ce que cela représente en hibernation prolongée ? « Le temps est père de vérité » disait Rabelais. On ne le savait pas car on n’avait pas l’temps. Mais maintenant, rien qu’avec les chiares à plein temps entre quatre murs (à l’exception des nostalgiques des donjons ronds), c’est pas de la gnognote. Qu’il est loin le temps où l’on s’exclamait : Minute, papillon ! Je n’ai pas de temps à perdre !

Le virus aura eu raison de tous les chronomètres, y compris ceux des Olympiades.

Ne reste qu’une course contre la montre, celle des scientifiques qui pourront remettre les pendules à l’heure pendant que les politiques avec trucs et ficelles en auront eu à en découdre.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires

29 mars 2020