Victor Hugo est mort. A ce stade, je sais que je ne t’apprends rien, heureusement. Ça ne te rajeunit pas si tu étais à ses funérailles, comme tant d’autres – il est mort le 22 mai 1885 -, mais si tu n’y étais pas, ce qui est fort probable, le roman de Judith Perrignan, ainsi intitulé, paru en 2015 – il m’avait échappé -, t’y plongera en esprit, en chair et en os.
D’abord tu assisteras à ses derniers moments à en avoir le souffle coupé, privilège du vivant. Puis tu arboreras le drapeau rouge, le drapeau noir, te rangeras peut-être du côté des bedonnants… Chacun sa vision, son historique, sa filiation. Sais-tu qu’il y a 150 ans à peu près allait se déclencher La Commune de Paris ? Quinze après, Victor Hugo allait voir ailleurs si Dieu appuyait enfin les déshérités de la terre, même s’il n’y croyait pas trop à ce patriarche céleste. D’ailleurs il aura refusé les simagrées ultimes, bousculant ainsi la bien-pensance. L’église Sainte-Geneviève redevenait Panthéon.
Le style de l’auteur est alerte, vivifiant, souffle avec brio une tonalité épique ; les phrases t’emportent dans un tourbillon ; les mots sont précis, justes, percutants. Tu es tenu en haleine… Tu y es dans ce Paris d’alors ; tu reçois en pleine poire toutes les bouffées d’une fin de siècle folle, la 3è république en marche… dans l’oubli du plus grand nombre. Tiens… Déjà ? La France des notables voulait s’accaparer, s’approprier un génie qu’elle avait méprisé, en oubliant, dans sa kermesse hypocrite, tous les misérables.
Si tu me suis – chacun fait ce qu’il veut – on se retrouve, sans qu’on n’y prenne garde, dans un curieux effet aller-retour entre hier et aujourd’hui, même si on n’imagine pas désormais une ville entière se mettre en branle pour la mort d’un « souverain des mots, de l’imaginaire ». Le repli sur le chacun pour soi de ses pompes n’est-il pas devenu funèbre ?
Ce récit est vivifiant, vivificateur même. La mort de Victor Hugo finit par te bousculer au cœur de… notre singulière république en marche, gouvernée par « l’algorithme économique ». Magie de l’écriture quand elle souffle vers l’imaginaire salvateur.
Henri LAFITTE, Chroniques insulaires
5 février 2021
Judith Perrignon, Victor Hugo est mort – Edition L’iconoclaste – 2015 – ISBN papier : 978-2-91336-691-6 – ISBN numérique : 978-2-91336-697-8