Voyager dans le temps, dans l’Histoire, dans des pays méconnus, découvrir des personnalités insoupçonnées, ainsi se déploie le charme du roman.
Irène Frain aura choisi dans Je te suivrai en Sibérie une femme qui nous coupe rapidement le souffle, prénommée Pauline, née Geuble puis porteuse d’autres patronymes. Née en Lorraine, elle fera le choix de la Russie.
Femme hors du commun dont la romancière aura retracé un parcours épique, contexte historique tourmenté au moment où Nicolas Ier accède au pouvoir suprême en cette première partie du XIXè siècle, insurrection, répression, déportations en Sibérie et toujours cette femme, Pauline, née en Lorraine, héroïne sans chercher à l’être, poussée par une « force irrésistible »… ; le roman nous emporte, nous transporte, ne nous lâche plus. Edité en livre de poche chez J’ai lu, il redonne, avec brio, corps et âme à une femme d’exception, bousculant les codes, une société figée. L’écriture est belle, riche en évocations. Ainsi en est-il au moment où Pauline se lance à la poursuite de l’être aimé, déporté en Sibérie : « En toute hâte, Pauline fuit l’hiver où s’assoupit Saint-Pétersbourg. Pas un regard pour les toits des palais enfouis sous la meringue des neiges, l’éclat de perle et d’opale des canaux pris par les glaces, les avenues gelées dont on ne voit pas la fin. »… (p.217)
« Ose et tu réussiras »… (p. 225). Quelle leçon !
La voilà partie – pour trente ans, mais elle ne s’en doute pas – en Sibérie, pour rejoindre son futur mari, déporté. Le rythme est haletant. Pas de mélo ou de sentimentalisme incongru mais un vécu retracé avec brio. Et cette phrase dite à l’Empereur lui-même : « Je suis prête à tout, je suis mère. » (p.235)
Je te suivrai en Sibérie a le souffle d’un thriller, mais poignant d’humanité.. De par la cadence des phrases, la précision des mots, l’implication que l’on sent très présente de l’auteure elle-même, il ne peut qu’emporter l’adhésion du lecteur.
Je n’ai pu m’empêcher de penser à un roman de Bernard Prou que j’ai lu et fortement apprécié, les pas du personnage principal nous amenant également en Sibérie. Je n’ai rien écrit suite à cette découverte et pourtant… Son titre : Alexis Vassilkov ou la Vie tumultueuse du fils de Maupassant.
Ainsi vont les chemins de la lecture, sans avion, sans train, sans traîneau, sans vélo… Et puis être capable de goûter pleinement la poésie de l’existence (p.367) quand on a franchi le Rubicon de l’inconcevable, de l’insupportable, cela en impose, forcément.
Il est là des héroïnes méconnues qui ouvrent le champ de l’humilité…
Henri Lafitte, Chroniques insulaires
2 octobre 2021
Irène Frain, Je te suivrai en Sibérie, J’ai lu – 2021 – ISBN : 978-2-290-2582-5
Livre cité : Bernard Prou, Alexis Vassilkov ou la Vie tumultueuse du fils de Maupassant. – Livre de poche –