Lève-toi et marche…
Pas besoin d’être Lazare pour en ressentir le besoin à 64 ans. D’ailleurs notre époque ne nous invite-t-elle pas à l’illusion du sportif ? Il suffit de voir l’engouement de notre société à roulettes pour la marche, nordique, drastique, pudique, épique et autres hic. Surtout à l’appel des balais décennaux.
Ainsi débute le roman de Lionel Shriver, Quatre heures, vingt-deux minutes et dix-huit secondes. La cocasserie initiale tient dans le fait qu’elle, femme adepte du sport intensif en solitaire, a été arrêtée dans son élan par les problèmes inéluctables aux genoux quand on force trop sur les échasses. Lui se prend sur le tard à l’idée de courir le marathon. Nous sommes dans la ville d’Hudson, pas loin de New York ; vouloir monter dans les tours peut se comprendre, forcément. Elle, elle est désarçonnée.
La première expérience est modeste : bon dernier, mais il est ravi. Il aura rencontré une spécialiste du coaching sportif dans son aventure de… sept heures. Hameçonné en quelque sorte. Du coup, cap sur le triathlon.
Mais pourquoi ? Il est alors des pages qui nous interpellent la société, sur les modes comportementales, le poids des religions, des nouveaux fanatismes, sur nos engouements exacerbés, dans nos pays occidentaux, fortement influencés par les Etats-Unis. Les personnages sont pris dans un engrenage de dépassement d’eux-mêmes sur le plan sportif à même d’enclencher d’étranges allers-retours. Le registre dialogues est souvent mis en œuvre par la romancière (certes le prénom est masculin, mais il s’agit bien d’une auteure), ce qui donne plus de corps à notre propre ressenti.
Sur quelle part d’absurdité assoyons-nous nos rêves, notamment ceux qui se jouent du temps qui passe… ? Vers quels excès pouvons-nous être conduits dans l’inconscience du « cela va de soi » ?
Henri Lafitte, Chroniques insulaires
29 octobre 2021
Lionel Shriver, Quatre heures, vingt-deux minutes et dix-huit secondes – Belfond 2021 – ISBN : 2714494374
