Metin Arditi, L’homme qui peignait les âmes

L’art qui se joue du temps n’est-il pas un pas de côté par rapport à la conformité d’une époque donnée ? Un pas de côté qui peut induire incompréhension, voire même vindicte… N’en va-t-il pas de même pour la science ? Jérôme Bosch et Galilée ne vous rejoignez-vous pas ? Science et poésie vouées au même sort, sans calcul…

Ainsi voguent mes pensées après avoir lu L’homme qui peignait les âmes de Metin Arditi. Nous sommes au Moyen Orient à la fin du XIè siècle. Le romancier a eu l’inspiration de partir sur le chemin d’un iconographe de ce temps qui aura eu la particularité de briser les codes. Tout artiste sur les pas d’un ange risque de se brûler les ailes ; on ne peint pas les âmes indument. Le tribunal de la pensée dominante est aux aguets. Nous plongeons dans un passé lointain, mais les résonances sont actuelles, dans l’imbrication du christianisme, de l’Islam, du doute quant à la Révélation… L’écriture est finement ciselée, le récit s’articulant sur de courts chapitres apportant chacun une nouvelle touche, redonnant vie à l’acte même de création, comme pour une toile qui devient celle que se construit le lecteur. N’avoir pour orientation que le bonheur des autres défie, au XIè siècle, l’ordre établi. Aujourd’hui aussi ?

L’iconographie était alors écriture. Peinture, écriture ne sont pas divertissement lorsqu’elles révèlent l’âme humaine. La beauté n’est-elle pas le pendant d’une grande noirceur ? 

Henri Lafitte, Chroniques insulaires

10 mai 2023

Metin Arditi, L’homme qui peignait les âmes – Points – ISBN : 978-2-7578-9430-9